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THE JOURNEY (2014)
I am 40 000 feet above the Atlantic ocean – mid-air, between Johannesburg and Atlanta. It is a 16-hour flight.
I cannot sleep. It seems as if everybody else in economy class is in some deep, troubled somnambulist state. Most have masks over their eyes and are shielded from any luminous intrusion.
I go for a walk to stretch my legs. Nine hours of flying left. I have almost reached the halfway mark of my journey. Will the second half go faster? Unlikely.
I am bored. I take my pocket camera with me. There is an infrared function on the camera. I make a few portraits of some of the sleeping passengers. Because the camera is photographing the infrared spectrum, no flash is needed. The subjects don't know I am photographing them.
I go back to my seat and review the pictures. They remind me of the images that came from Iraq during the US invasion. They remind me of what soldiers see through their night vision goggles. It occurs to me that the pictures of the first invasion of the Iraq War changed the way we see the world. Previously I associated infrared photography with wildlife pictures, leopards caught feeding at night. Now I associate them with conflict. I start pondering the strange relationship photography has with surveillance and the military industrial complex.
What time is it? Is it South African time? Is it US time? On the aerial map on my in-flight entertainment system there seems to be no land beneath us. No islands. No human presence. Who governs this space between where a journey begins and ends, this limbo between departing and arriving?
I think of Walker Evans' subway portraits and it occurs to me that the world is a very different place now to when he made those pictures. Our notion of public and private has drastically shifted. I wonder if anyone accused him of voyeurism in 1938. I wonder how the people I photograph will feel about these pictures. In this age we demand that celebrity be placed within the public gaze but have a conflicting ethos for our own representations.
I once read that a Londoner was caught on CCTV an average of 300 times a day. We are constantly being photographed without being aware of it. May the fact that I have photographed you in this way be forgiven and serve as a warning of a time when we are almost never private and almost always under surveillance.
I look at my watch. Only eight hours and 17 minutes left till Atlanta.
[FR]
LE VOYAGE (2014)Je suis quarante mille pieds au-dessus de l’océan Atlantique, en plein ciel, entre Johannesburg et Atlanta. Le vol dure seize heures.
Je n’arrive pas à dormir. J’ai l’impression que les autres passagers de la classe économique se trouvent dans un état de somnambulisme profond. La plupart d’entre eux portent des masques sur les yeux afin de prévenir toute intrusion lumineuse.
Je me lève pour me dégourdir les jambes. Encore neuf heures de vol. Je suis presque à la moitié de mon voyage. La seconde moitié passera-t-elle plus vite ? J’en doute.
Je m’ennuie. Je saisis mon appareil compact, pourvu d’une fonction infrarouge. Je prends en photos quelques-uns des passagers endormis. J’ai activé la fonction infrarouge, et n’ai donc pas besoin de flash. Les sujets ne savent pas que je les photographie.
Je retourne à mon siège et passe les photos en revue. Elles me rappellent les images prises en Irak durant l’invasion américaine. Elles ressemblent à ce que voient les soldats avec leurs lunettes de vision nocturne. Je prends alors conscience que la première invasion en Irak a changé notre manière de voir le monde. Avant, j’associais la photographie infrarouge aux documentaires animaliers, les léopards surpris en train de se nourrir la nuit. À présent, je l’associe au conflit. Je réfléchis à l’étrange relation qui existe entre la photographie, la surveillance et le complexe militaro-industriel.
Quelle heure est-il ? S’agit-il de l’heure sud-africaine ? De l’heure américaine ? Lorsque je regarde la carte qui s’affiche sur mon poste de divertissement en vol, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de terre au-dessous de nous. Aucune île. Aucune présence humaine. Qui régit l’espace entre le début et la fin d’un voyage, les limbes entre le départ et l’arrivée ?
Je pense aux portraits dans le métro de Walker Evans et je me dis que le monde a beaucoup changé depuis qu’il a pris ces photos. Nos conceptions de l’espace public et privé ont été bouleversées. Quelqu’un l’a-t-il accusé de voyeurisme en 1938 ? Je me demande comment les passagers que j’ai photographiés réagiront aux photos. Aujourd’hui, nous exigeons que la célébrité soit soumise au regard de tous, cependant notre éthique quant à nos propres représentations demeure compliquée.
J’ai lu quelque part qu’un Londonien est capté par CCTV environ trois cents fois par jour. On se fait constamment photographier sans le savoir. Puisse la manière dont je vous ai photographiés être pardonnée et servir de rappel : nous n’avons presque plus de vie privée, et nous sommes presque toujours sous surveillance.
Je consulte ma montre. Plus que huit heures et dix-sept minutes avant d’atterrir à Atlanta.