[EN]

LOOKING ASIDE (2004-2005)


In the early 2000s, while living in Italy, I started photographing people with albinism in various parts of the world. I was travelling as an assignment photographer and used the opportunity to explore my own interests while meeting professional obligations. My earliest portraits featured people naturalistically posed in ambient environments. As the project developed, I opted to narrow the focus to South Africa, as well as limit myself to producing only head-and-shoulders portraits taken with the aid of studio lights against a neutral backdrop.

A lot of the people I photographed had poor eyesight – it is one of the side effects of albinism – and worked in institutions for the visually impaired. This led me to extend the scope of my project to include people who were blind or partially sighted. The same feelings of discomfort I encountered photographing people with albinism arose when I photographed people with poor or no eyesight. The discomfort at encountering an unreciprocated gaze is, I think, self-imposed. It is not something the subjects feel.

While working on this body of work, I visited my grandmother in a frail-care centre. I recognised the same sense of discomfort around the elderly. My grandmother appears in this portrait series, as do I. It was the first of many self-portraits I have taken for display. I am both the maker and a kind of marginal protagonist in my series about marginalised people.

In this early body of work I explicitly took a confrontational stance, an attitude that is rehearsed in a lot of my subsequent work. It is an unflinching series. I want the subjects to match the intensity of my own gaze.

I have often thought about the strict frame I settled on for this portrait series. I think it was informed by two trajectories of photography that emerged from apartheid South Africa. Photojournalism set out to inform the world about conditions in the country. Stylistically, it was indebted to the humanist traditions of twentieth-century American photography. I have never been comfortable with its lyrical vocabulary. At the same time, photography was being used by the state as a tool of classification and separation. All South Africans were required to carry a photo ID. My series turns this loaded compositional style on its head to document people marginalised by the glib visual propaganda of the ‘new’, liberated South Africa.





[FR]

DÉTOURNER LE REGARD (2004-2005)


Au début des années 2000, alors que je vivais en Italie, j’ai commencé à photographier les personnes atteintes d’albinisme dans divers pays. En tant que photographe reporter, je voyageais beaucoup et, tout en honorant mes obligations professionnelles, j’en ai profité pour explorer mes propres centres d’intérêt. Mes premiers portraits montrent des sujets adoptant des poses naturalistes dans des environnements ambiants. À mesure que le projet s’est développé, j’ai décidé de me concentrer sur l’Afrique du Sud en me contentant de portraits en buste sur fond neutre, avec un éclairage studio.

De nombreux sujets présentaient des troubles visuels – c’est un des effets secondaires de l’albinisme – et travaillaient dans des institutions pour malvoyants. Cela m’a amené à étendre la portée de mon projet afin qu’il inclue des personnes aveugles ou malvoyantes. Lorsque j’ai photographié des sujets souffrant de troubles visuels, j’ai éprouvé un sentiment de malaise similaire à celui que je ressentais quand je photographiais des sujets atteints d’albinisme. La gêne que l’on ressent quand on ne vous rend pas votre regard est auto-imposée, je pense. Les sujets ne la subissent pas.

Pendant que je travaillais sur la série, j’ai rendu visite à ma grand-mère dans sa maison de retraite. Au contact de personnes âgées, j’ai à nouveau éprouvé un sentiment de gêne. Ma grand-mère figure donc dans la série, tout comme moi. C’était le premier des nombreux autoportraits que j’ai exposés. Je suis à la fois le créateur de cette série et un de ses protagonistes marginaux.

J’ai explicitement adopté une position conflictuelle, une attitude que l’on retrouve dans la plupart de mes travaux suivants. Ce travail refuse de baisser les yeux. Je veux que mes sujets exhibent une intensité proportionnelle à la mienne.

J’ai souvent pensé au cadre strict que je m’étais imposé pour réaliser ces portraits. Je pense qu’il était conditionné par deux tendances photographiques qui ont émergé en Afrique du Sud. Le photojournalisme s’est donné pour mission d’informer le monde des conditions dans lesquelles vivaient les Sud-africains. D’un point de vue stylistique, il était influencé par la tradition humaniste de la photographie américaine au vingtième siècle, dont le registre lyrique m’a toujours inspiré une certaine méfiance. Dans le même temps, le gouvernement se servait de la photographie comme d’un outil pour classer et séparer. Les Sud-africains avaient l’obligation de se déplacer avec une photo d’identité. Mes photographies détournent ce style de composition en documentant les personnes marginalisées par la propagande visuelle de la « nouvelle » Afrique du Sud libérée.