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[EN]

CALIFORNIAN WILDFLOWERS (2015)


This portrait series was taken in the Tenderloin District of San Francisco and Skid Row in Los Angeles where I photographed a wide spectrum of homeless people. There are big differences, culturally and socially, between San Francisco and Los Angeles. In South California homelessness is criminalised; Skid Row is aggressive, the police are gung-ho and it is all about race. By contrast, in North California the police are tolerant and sympathetic, and you do not feel threatened on the street. I first visited San Francisco two decades ago; it is the only place I have been mugged. Even now, the city still has vestiges of the freak scene of the 1960s. But the economic impact of Silicon Valley and the digital economy is palpable. The city is facing an identity crisis. The Tenderloin is exempt from some of it because the majority of its buildings are owned by nonprofit organisations with no interest in benefiting financially from gentrification. It feels like an anarchic community in the midst of a crazy boom.

Homelessness is one word that covers a range of different situations. I met people with mental disorders, addicts, victims of the 2008 recession, war veterans, men and women who had made bad lifestyle choices, as well as people who for whatever reason liked living rough. Notwithstanding their terrible circumstances, which are real and inescapable, there is something quite ecstatic in the poses and gestures of the people I photographed. A lawlessness too. It required a very different way of working to what I have become accustomed to. For starters, no tripod and no lights. Normally, I ask for permission to take someone’s portrait: here, it was not always possible as people were often out of it. The series includes a number of diptychs. At the time I was reading a short story by James Salter in which he describes seeing his wife as all the non-idealised pictures he had taken of her and thrown away. I liked this idea. I think I was trying to get away from the photograph as monument with this series, allowing more accidents to happen in my portraits.

I am not unfamiliar with homelessness. The streets around my studio in Cape Town are home to a large population of unhoused poor. Their number probably exceeds that in California. I have made portraits of homeless people in South Africa. It is a fraught genre, so often linked to a moralising stance. I understand the imperative to witness, especially in South Africa, but I am not interested in having my own photography become a vehicle for a moral crusade against poverty, capitalism or the uncaring state. I tried to remain true to this instinct in my work in California.

Cape Town, 2016





[FR]

FLEURS SAUVAGES CALIFORNIENNES (2015)


Les portraits de cette série ont été pris dans les quartiers de Tenderloin à San Francisco et de Skid Row à Los Angeles, où j’ai photographié un grand nombre de sans-abri. Une multitude de différences existent, d’un point de vue culturel et social, entre San Francisco et Los Angeles. Dans le sud de la Californie, les sans-abri sont criminalisés. À Skid Row, la police est agressive et ramène tout à une question de race. A contrario, dans le nord de la Californie, la police est tolérante, sympathique, et l’on ne se sent pas menacé dans la rue. J’ai visité San Francisco pour la première fois il y a deux décennies ; c’est la seule ville où je me suis fait agresser. Aujourd’hui encore, la ville conserve des traces de la folie qui y régnait dans les années soixante. Mais l’influence économique de la Silicon Valley et de l’ère numérique est palpable. La ville traverse une crise identitaire. Tenderloin y échappe en partie, parce que la plupart des bâtiments appartiennent à des organisations à but non lucratif que les bénéfices financiers engendrés par la gentrification n’intéressent pas. Le quartier fait figure de communauté anarchique au sein d’un boom sans précédent.

Le terme « sans-abri » recouvre des situations variées. J’ai rencontré des personnes qui souffraient de troubles mentaux, des toxicomanes, des victimes de la crise de 2008, des vétérans, des hommes et des femmes qui avaient fait des choix de vie désastreux et des gens qui, pour une raison ou une autre, aimaient vivre à la dure. Malgré leurs circonstances terribles, réelles et inéluctables, mes sujets ont adopté des poses et des gestes qui avaient quelque chose d’extatique. Et de sauvage aussi. J’ai dû travailler dans des conditions très différentes de celles auxquelles j’étais habitué. Pour commencer, je n’avais ni trépied ni lumières. D’ordinaire, je demande la permission avant de prendre quelqu’un en photo ; cette fois, ce n’était pas toujours possible, parce que les sujets étaient souvent dans des états de conscience altérés. La série comprend un certain nombre de diptyques. À l’époque, je lisais une nouvelle de James Salter dans laquelle il décrit l’expérience consistant à voir sa femme telle qu’elle était dans toutes les photos non idéalisées qu’il avait prises d’elle puis jetées. Le concept me plaisait. Je pense que j’essayais de prendre mes distances avec l’idée de la photographie comme monument, afin de laisser plus de place aux accidents dans mes portraits.

Les sans-abri ne me sont pas étrangers. Les rues qui entourent mon studio du Cap abritent une large population de sans domicile fixe. Leur nombre y est probablement plus élevé qu’en Californie. J’ai réalisé des portraits de sans-abri en Afrique du Sud. L’entreprise est difficile et trop souvent associée à une attitude moralisatrice. Je comprends la nécessité de témoigner, particulièrement en Afrique du Sud, toutefois je ne tiens pas à ce que ma photographie devienne un véhicule pour une croisade morale contre la pauvreté, le capitalisme ou un gouvernement défectueux. En Californie, j’ai voulu rester fidèle à cet instinct.


Le Cap, 2016